[VIKINGS] Blade ~VS~ Kigoa [WOLVES]

Au sommet de la Haute Tour de Sionabel, le feu brûlait, nuit et jour, et cela depuis la nuit des temps, comme un phare dans la nuit, afin de guider les Rêveurs lorsqu’ils sont en proies au doute et au cauchemar. Le skâld, lui, dormait d’un sommeil sans rêve. Cela faisait partie de la malédiction des Rêveurs, chargés de donner du Rêve aux Gens mais incapable de Rêver à leur tour.

A des milliers de lieus de là, séparé de sa patrie par océans, montagnes et déserts, un homme marchait, seul, perdu au milieu de la grande chaîne de montagne nommée « Isiga Berg ». Il allait, l’épée battant son flanc et son paquetage sur le dos, à travers la vallée. Dans cette région, c’était la fin de l’hiver et cette année, il avait été très rude. De mémoire d’homme, jamais les cols n’avaient été bloqué si tôt et libéré si tard. Le blizzard avait soufflé durant plusieurs mois, empêchant les hommes de sortir de leurs foyers. Les Isiga Berg étaient très peu peuplées et ses seuls habitants étaient des tribus barbares réputées pour leur hardiesse et leur bravoure au combat, les Goths de Suède. C’est cette réputation grandissante qui l’avait attiré ici, lui, l’un des derniers chasseurs de Draugr. Il avait fait fi des mises en garde et était parti à la rencontre de ce peuple guerrier. On racontait beaucoup de chose à leur sujet mais Blade, malgré sa vie passée à combattre des créatures du mal tout droit sorties des Enfers, donnait peu de foi à ces légendes. Si l’on en croyait les histoires de la côte, les Goths maîtriseraient une transe guerrière… Décidément, les pêcheurs d’Aarhus pouvaient dire n’importe quoi après la deuxième pinte de cervoise. La Scandinavie avait beau être peuplée de Vikings, Blade se rendait compte à quel point les tribus étaient différentes. Elles partageaient certes la même culture, le même Panthéon divin, mais les ressemblances s’arrêtaient là. Les Goths étaient la quintessence du guerrier. Et Blade voulait voir ce qu’il se faisait de meilleur ici-bas, sur cet univers, sur ce plan astral.

Blade errait dans les montagnes glacées. Les indications fournies par les habitants de la côté lui semblaient bien lointaines à présent, par trop inexactes… Il devait se l’avouer, il était perdu. Dans une région hostile, au milieu de l’hiver, il avait connu des jours meilleurs. Au loin retentit un hurlement et le son résonna longtemps dans la vallée, malgré le vent. Blade se figea sur place et regarda les alentours. Dans ses montagnes, les Carpates, il aurait assimilé ce cri à celui d’un loup, d’un très gros loup. Mais ici, il n’était qu’un étranger sans réelles connaissances de la faune locale. Mais cette bête, quoi que ce fut, devait être énorme. Blade s’apprêtait à reprendre son pénible chemin lorsque retentit un nouveau hurlement, plus proche cette fois. Quelque chose au fond de lui vibra, son cœur s’accéléra. Ses sens étaient en alerte. Il dégaina ses lames, une épée courte dans la dextre, un couteau dans la senestre. La bête approchait.

Alors que le blizzard soufflait depuis des jours, le temps s’apaisa soudainement, augmentant de fait la visibilité de Blade. Et il la vit, la bête. Une espèce de loup comme il n’en avait jamais vu, aussi massif qu’un ours. Blade frissonna. Il essaye de se rassurer en se disant que c’était dû au froid mais il n’était pas dupe. Levant ses armes, il se mit en garde et le loup bondit dans sa direction.

La lutte fut terrible mais Blade eut raison de la créature. Dans un cri de rage, il planta ses lames dans le flanc du loup qui s’écroula pour de bon. Las, Blade tomba à genou et resta là, immobile, les bras le long du corps. Il était couvert de sang, en grande partie le sien, son corps parcouru de multiples entailles, certaines très profondes. Il avait vaincu mais il allait mourir, il le savait. Fermant les yeux, son esprit se perdit dans son subconscient, oubliant la douleur de la lutte et le poids des années.

L’atmosphère embaumait la graisse animale et l’air était chaud. Blade ne sentait plus la neige ni le froid. Il avait chaud. A ses côtés, il entendait des voix, des hommes et des femmes riant et chantant. Des enfants aussi, qui semblaient courir et s’amuser. Etait-il au paradis ? Il s’agita dans son rêve et autour de lui, les discussions se turent. Aussi, il ouvrit les yeux. Il n’était plus dans la vallée enneigée mais dans un hall fait de bois et de pierre. Aux murs étaient accrochées une multitude d’armes et de trophées de guerre. Le sol était recouvert de peaux de bêtes. Au centre de la grande pièce brûlait un feu dont il pouvait ressentir la chaleur. Enfin, il croisa le regard des hommes et des femmes, ceux là même qu’il avait dû entendre dans son sommeil.

« Est-ce le paradis ? » osa t-il demander.

« Non utlänsk, tu es chez les Goths, lui répondit un guerrier, à la voix sévère mais au regard protecteur,

-J’ai rencontré un loup.

-Nous t’avons trouvé aux côtés d’un ùlfar, un des loups géants de Fenrir. La bête était morte et tu étais pressé de la suivre dans le royaume de Hèl. Tu as bien failli mourir en voulant traverser les Isiga Berg. Je savais que les étrangers ne pensaient pas beaucoup mais que pensais-tu trouver en traversant les montagnes en plein hiver ?

-Je cherchais à rencontrer les Goths. Votre renommée va au-delà des mers et des océans. Et je voulais voir cela de mes propres yeux.

Le guerrier éclata de rire, avant de répondre :

« Et bien tu nous as trouvé. L’hiver est encore là mais une fois les neiges fondues, nous partirons à la guerre. Si tes blessures sont refermées, tu pourras te joindre à nous si tu le souhaites.

-Vous acceptez les étrangers ?

-Tu n’es plus un étranger, tu as tué un ùlfar, ce qui fait de toi un Krigare, un guerrier. Tiens, bois, termina t-il en tendant à Blade une corne de bellier, emplis d’un étrange brevage.

Les hommes et femmes présents dans le hall levèrent leur « verre » et crièrent en chœur « Skòll ! ».

Les goths entamèrent des chants guerriers en l’honneur de la gloire, de la mort et des dieux. Les paroles parlèrent d’un guerrier venu de la grande terre, un chasseur de bête, qui traversa l’hiver afin de trouver son foyer. Blade écoutait les guerriers chanter. Il ne comprenait pas les paroles mais la musique l’apaisait. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien, il était chez lui.

Dans la Haute Tour, le skâld se réveilla. Un chant parvint à ses oreilles et il ne put s’empêcher de sourire. Alors il monta au sommet da demeure et attisa les flammes millénaires. Puis, lorsque le feu eut retrouvait sa majesté et sa puissance, il s’agenouilla près des flammes et prit plume et parchemin. Il était temps de poursuivre son œuvre. L’Histoire des Hommes et de la Guerre devait être poursuivie.